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Fractura Fresca
4 janvier 2005

André Masson

Après ma rencontre avec le peintre chilien Ramon Levil,
j'ai voulu mieux connaître le peintre André Masson, surréaliste décédé le 29 octobre 1987.

Biographie rapide:

Peintre et scénographe français.
Ses débuts, d'abord influencés par le cubisme et le symbolisme, et très marqués par les horreurs de la première guerre mondiale qu'il a vécue comme soldat, le conduisent à une adhésion au surréalisme, vers 1923-24. Ses tableaux, à la limite de l'abstraction, au graphisme "automatique", deviennent bientôt des pièces majeures du mouvement (1927: "Tableaux de Sable"). André Masson explore une thématique du mythe, de la cruauté et de l'érotisme.
De 1941 à 1945 il s'exile aux USA. Sa peinture se fait plus violente, expressionniste. Il a une influence déterminante sur la jeune peinture américaine, en particulier Pollock.
De retour en France, André Masson s'installe à Aix-en-Provence, redécouvre l'impressionnisme et est influencé par l'art oriental, mais revient rapidement à un art plus coloré et nerveux. Il réussit à introduire une intense sensation de mouvement dans ses compositions, et fait preuve d'une grande synthèse de toutes ses expériences antérieures lorsqu'il peint le plafond du théâtre de l'Odéon, en 1965. Masson a également travaillé à des décors de théâtre (Numance ou Woyzeck, montés par Jean-Louis Barrault) et illustré de nombreux livres.

"La guerre m'a fait homme" déclare André Masson en évoquant les épreuves de 14-18 ; elle arme aussi l'artiste, le plus que surréaliste, l'anarchiste anxieux qui invente en état d'urgence des images anti-fascistes à la puissance destructrice

Biographie plus étoffée


Où voir des oeuvres de Masson?

http://www.insecula.com/contact/A009099.html
http://www.mairie-metz.fr:8080/METZ/MUSEES/EXPOS/9899/MUSEES_MASSON.html
http://www.mairie-metz.fr:8080/METZ/MUSEES/EXPOS/9899/MUSEES_MASSON2.html


Surréalisme et associations libres en graphisme et peinture

Surréalisme: "Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit; soit de tout autre manière, le fonctionnement réel de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccuption esthétique ou morale (...). Le Surréalisme repose sur la croyance à la réalite supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée..." Telle était la définition du surréalisme rédigée dans le Premier Manifeste.

En peinture, la même méthode existe et s’appelle "associations libres" et laisse la main dessiner librement.

Dans les tableaux de la série des massacres. Masson fait preuve d’une puissante énergie qui lui permet d’être en prise avec le monde pour atteindre à une conscience des êtres et des choses.

Nous pouvons donc dire que le surréalisme est un moyen d’exprimer l’inconscient par des formes visuelles. Ces formes sont soit réelles et agencées de manière surprenantes, soit créées par l’imaginaire du peintre.
Les peintres juxtaposaient des formes (objets, personnages) de manière incongrue (bizarre, étonnante) et comment ils créaient parfois des formes issues de leur imaginaire, de leur inconscient, de leurs rêves.

Un essai sur ce thème: (illustré des dessins de Masson exécutés dans les années 1925-1927)

S'appuyant sur une abondante iconographie (une centaine d'illustrations, dont certaines inédites), sur des données historiques précises et replaçant l'aventure du dessin automatique dans le contexte - plus large - de l'automatisme psychologique de la fin du XIXe siècle (James, Myers, Janet), le présent essai de Florence de Mèredieu (André Masson les dessins automatiques) tente de dégager l'ensemble des problèmes posés par l'existence du dessin automatique.

Couverture  -  Livre ouvert 1  -  Livre ouvert 2

Edition: Blusson ISBN : 2-907784-01-3 - Format : 29,5 x 29,5 cm - Nombre de pages : 108
Illustrations : 120 en bichromie (Traduction en allemand d'un résumé du texte disponible).
Prix : 40 Euros


Peintre, sculpteur, dessinateur et scénographe, André Masson (1896-1987) couvre de sa production l'ensemble de ce siècle. De 1923 à 1927 - en pleine époque surréaliste - André Masson réalise la série des dessins dits automatiques. Basés sur l'écoute et l'expression des pulsions inconscientes, sur l'automatisme et la fulgurance du geste, cette étonnante production graphique est en rupture totale avec les modes de création plastique habituels. Prolongeant, mais de façon tout à fait originale, la vogue des dessins spirites et médiumniques de la fin du XlXe siècle, le dessin automatique trace une voie singulière dans la peinture du XXe siècle.


André Masson
ou l'épaisseur du rêve

"Une idée physique de la révolution"
On peut dire que pour Masson le surréalisme fut son élé- ment vital. Il dessinait surréaliste (dessins automatiques) à volonté comme le poète Robert Desnos parlait surréaliste à volonté.

Dans le combat mené contre la sociéte, par les Surréalistes, il fut aux premières lignes. Il n'avait d'ailleurs pas hésité à écrire dans le numéro 3 de la ré- vue "La Révolution surréaliste".

Malgré une brouille de courte durée en 1929, André Masson resta toujours proche de Breton. On les retouvera ensemble accompagnés de Max Ernst, à Marseille en février 1941 pour gagner les Etats-Unis et fuir le régime nazi.

Pour ce qui est de son oeuvre, elle correspond très justement à la conception que Breton se faisait de la peinture qui devait relever de l'aventure mentale: "Il m'est impossible de considérer un tableau autrement que comme une fenêtre dont mon premier souci est de savoir sur quoi elle donne... et je n'aime rien tant que ce qui s'étend devant moi à perte de vue."

L'unité de l'être
Patrick Waldberg note à son propos dans "Le Surréalisme" (Ed. Skira): "Au premier regard de l'oeuvre de Masson apparaît comme une sublimation de la violence, où la Nature, sans relâche, se déchaîne, se decharge et se recrée, - comme une dialectique implacable du désir et de la mort (...) A côté de cet univers de crime et de sang, il y a celui de la fête - les deux se trouvant parfois indiscernement melées. Le massacre rejoint l'étreinte, l'horreur du meurtre se mue en extase à l'instant du sacrifice. La passion qui secoue l'oeuvre de Masson (...) c'est la nostalgie du sacré, de la communication sans l'aide des mots, de l'unite de l'être..."

Dans "L'art surréaliste" (Ed. Hazan), Sarane Alexandrian va encore plus loin à son propos: "Et surtout Masson dessina, il dessina inlassablement, des suites qui formèrent des chroniques (...) des dessins magnifiques dont l'érotisme, la cruauté, le sacré, atteignent à une grandeur épique..." Quant à Paul Eluard, il résume sa démarche en une seule phrase: "André Masson se leva pour ensevelir le Temps sous les paysages et les objets de Passion humaine."

Mais on ne peut pas clôre ce court hommage sans revenir à André Breton lui-même, et à ce qu'il écrivit en 1939 sur l'oeuvre de Masson. "Le goût du risque est indéniablement le principal moteur susceptible de porter l'homme en avant dans la vie de l'inconnu. André Masson en est au plus haut point possedé: il n'est pas d'esprit sur qui gardent autant de prise les interrogations majeures qui jusqu'à nous déchirent les siècles - Héraclite, la Cabale, Sade, le romantisme allemand, Lautréamond - pas d'esprit qui leur ait offert un terrain de percussion si propice.

Surprendre la vie à sa source
Mais cet esprit est aussi délié d'eux de tout l'irrésistible appel de la vie, cette vie qu'il est le seul peintre à toujours vouloir surprendre à sa source et qui l'amène à se pencher électivement sur les métamorphoses. La peinture d'André Masson n'a cesse de procéder de ces phénomènes de germination et d'éclosion saisis à l'instant où la feuille et l'aile, qui commencent à peine à se déplier, se parent du plus troublant, du plus éphemère, du plus magique des lustres.

De la fixation de cet instant où l'être prend connaissance, elle ne s'est guère écartée que dialectiquement pour la fixation de l'instant où l'étre perd connaissance, comme dans la "Metamorphose des amants". L'érotisme, dans l'oeuvre de Masson, doit être tenu pour la clé de voûte. C'est lui qui dispose de l'agencement convulsif des corps d'hommes, et de femmes entrainant dans teur merveilleuse rixe jusqu'aux meubles qui n'étaient encore suspects que de garder leur empreinte. (...) C'est le guide le plus sûr, le plus lucide qu'il y ait vers l'aurore et les pays fabuleux..."

A bien y regarder, I'oeuvre d'André Masson n'a pas fini de nous réserver des surprises et des enchantements, à l'encontre des déceptions dont l'art d'aujourd'hui se montre prodi gue a notre égard. Que sa mort nous incite à y revenir.

L'auteur de "La Machine à remonter le temps", H.G, Wells, a dit des toiles de Masson qu'elles étaient des "machines à rêver". André Masson ou l'épaisseur du rêve.

Pierre BASTIN


La chair mise en peinture

Quand Yves Bonnefoy se penche sur Giacometti, Michel Leiris sur Francis Bacon ou Jacques Dupin sur Miro (voir « l’Humanité » du 26 mai), on se situe d’emblée sur un autre registre, celui-là même dans lequel s’inscrit Bernard Noël avec cet « André Masson, la chair du regard », ouvrage qui paraît quelques mois à peine après « les Peintres du désir », publié chez Belfond, qui constitue une somme sur l’espace du regard appliqué à la chair mise en peinture.

Ce qui retient le poète, chez Masson, c’est d’emblée une trémulation d’ordre physique, une sorte de vibration pantelante qui excède l’ordre coutumier de peindre, même chez ses compagnons surréalistes, que Bernard Noël définit comme tournés vers l’imagination, voire le psychique. Masson, lui, procède de l’organique. Sa peinture « gicle ». Noël parle d’« éjaculation » et, citant l’artiste lui-même, de « tumulte élémentaire ». Rien à voir, cependant, avec un projet sauvage reposant sur le primat de l’instinct. L’impulsion et la pensée la plus radicale qui soit font instantanément corps.

Passer de l’image au coït

Il est, dans ce livre qui ne découle pas de la plate critique, mais bien plutôt ressortit à l’éloge comme grand chant, entre autres pages qui fusent, celle où il est question du combat intime de la main, par quoi nous rejoignons le coeur même du dessein de l’auteur. « Si la présence du sexe dans le dessin ne vous fait pas l’amour - écrit-il à propos d’une « Scène érotique » (1920) de facture encore académique -, à quoi bon ? Et si la présence d’une carafe ou d’une main n’a pas d’effet sexuel, à quoi bon encore ? Les objets ne sont pas pour rien parcourus de pulsations colorées, ni pour rien en proie à des imbrications, mais comment passer de la vue à l’acte et de l’image au coït ?

Le désir sur la page

« C’est alors que la main devient insensée : elle décharge directement le désir sur la page et, au lieu d’y dessiner les appas qu’apprécie l’oeil, y dépose les mouvements que lui procure le contact de la peau amoureuse. Cela donne des dessins qui ne ressemblent pas à des dessins, parce que cette main insensée n’est plus dans la dépendance de l’oeil, même quand il lui arrive de former des fragments d’image...

« La main intelligente considère que l’autre gesticule ; mais d’où tire-t-elle sa supériorité ? Elle ne fait après tout que de la vue à la main, tandis que l’autre, la folle, fait du jamais vu, et en fait instantanément. Quoi que fasse la main intelligente, c’est toujours pour vous donner à voir dans le cadre d’une fenêtre, tandis que tout ce que propose l’insensée griffe l’espace ou le scarifie et vous a de telles allures de combat qu’on se croirait dans une arène. »

Alors s’enchaînent les réflexions sur la peinture au sable, sur les massacres, les tauromachies, les mythologies, où nous retrouvons Georges Bataille et l’aventure sombre de l’« Acéphale » dont André Masson fut partie prenante. On sait, en outre, que Masson, en exil aux Etats-Unis, essaima singulièrement et que le « dripping » selon Pollock, par exemple, découle de ses propres expériences. Sur cet épisode, comme sur chacune des phases de l’existence et de l’art de Masson, les vues de Bernard Noël sont justes et prégnantes.

Le ressort vital de Masson

L’admirable, dans ce texte rigoureux et neuf, où chaque métaphore a le caractère irréfutable du théorème, est qu’il ne s’agit pas d’installer Masson dans le panthéon de la peinture, mais au contraire de l’en faire sortir, saillir pourrait-on dire, au nom d’un ressort vital qui n’appartient qu’à lui. Au bout du compte, on se trouve devant une manière d’autoportrait du peintre en écriture, par celui qui, à force d’amour, s’est jeté dans le maelström de l’oeuvre, en est revenu éclaboussé et, se mouillant, narre son aventure, tel l’Arthur Gordon Pym de Edgar Allan Poe. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit quelqu’un s’impliquer ainsi, pour se retrouver au risque de se perdre.

JEAN-PIERRE LEONARDINI

ANDRE MASSON,
LA CHAIR DU REGARD
Bernard Noël
Collection « l’Art et l’Ecrivain », Gallimard.

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